Chris M. Alexandris – « Réflexion »

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« La surface d’un lac peut aussi bien être remplacée par l’area striata du lobe occipital, car l’area striata avec ses couches fibrillaires est tout à fait semblable à un miroir ». Ce sont les mots que Lacan a prononcé le 8 septembre 1954, en parlant du phénomène de conscience. La conscience, dit-il, est réflexion pure, l’image optique est comme la montagne qui est réfléchie sur la surface d’un lac. « N’importe quel petit morceau de l’area striata sert le même usage, et se comporte comme un miroir ». Tout le cerveau n’est qu’un miroir, il reflète. Les scientifiques n’ont pas du tout tort, car le cerveau lui-même est simplement, comme ils nous le disent, un appareil d’homéostasie, un gros ganglion comme Freud l’a posé, un grand arc réflexe et rien de plus.

Mais, c’est tout à fait stupéfiant que l’un des éléments de l’arc réflexe, l’élément final, s’appelle « la réponse » et pas du tout « la réaction ». Le résultat d’un arc réflexe est toujours une réponse, c’est à dire un effet de discours, car la réponse est un signe, un signe très particulier, parce qu’il prend sa valeur quand il est négatif, quand il est le signe d’un manque. L’arc réflexe répond seulement à l’homme qui le provoque, à savoir le scientifique, par le signe d’un manque, et c’est pour cela qu’il s’appelle réflexe : il reflète le manque du scientifique à lui-même, son manque à expliquer ce qui intervient entre sa question et cette réponse. Il reflète le désir qui contamine la demande.

L’homme qui a introduit l’idée d’arc réflexe est considéré comme étant Descartes, qui a parlé du corps comme une machine, dans « Le Discours de la méthode » en 1637. Il suffit d’une recherche dans les dictionnaires pour réaliser que le verbe réfléchir a pris le sens de croire, de penser, entre 1640 et 1672 ! C’est totalement extraordinaire et du même coup éclairant. Descartes était le premier qui a pensé à propos de sa pensée ! Ce n’est qu’une réflexion, avec les deux significations de ce mot. Mais, c’est propre à la réflexion d’être toujours l’image d’un objet et jamais l’objet lui-même. C’est une courbe, flexus en Latin, comme l’arc réflexe.

La conscience est une réflexion pure et le cerveau un arc réflexe, une machine à réfléchir. Mais le docteur Freud, est tombé sur le rêve et il s’est aperçu que le cerveau n’est qu’une machine à rêver. Il y a quelque chose dans la machine, « à savoir que c’est au niveau du plus organique et du plus simple, du plus immédiat et du moins maniable, au niveau de l’inconscient, que le sens et la parole se révèlent et se développent dans leur entier ». Ça parle. Ça moque l’homéostasie. 

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