Adele Succetti – Super Brain vs Inconscient : 2.0 ? Pas vraiment…

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L’émission télévisée « Superbrain – le Supermenti » (1) nous donne l’occasion de voir diverses manifestations de ce qui est considéré comme étant un super cerveau. Ce sont des gens qui, après une longue préparation solitaire, apparaissent à la télévision pour montrer au grand public les super capacités de leur cerveau : capacité à mémoriser des éléments importants (mots, chiffres, détails) qu’ils répètent l’un après l’autre, capacité à se concentrer même dans des conditions extrêmes, capacité à reconstruire de mémoire une image à peine vue, capacité à contrôler le corps et ses actions, etc.

En fait, elles montrent la capacité du parlêtre à « ne rien vouloir savoir » de quoi que ce soit qui ne lui soit pas utile c.-à-d. l’inconscient « idiot » afin de remplir la tâche qu’il s’est lui-même donnée ou qu’il a imposée à son super cerveau

Les concurrents qui participent à l’émission présentent des capacités mentales inouïes, un « cerveau froid » – comme l’un d’entre eux l’a nommé – qui, tout en suscitant l’admiration et l’envie de ceux qui les regardent, reste des phénomènes de foire. Ils excellent dans l’identification et dans la répétition de « l’Un dont se constitue l’expérimental de la science » (2).

Cependant, pour que l’émission puisse avoir prise sur le public et les jurés et pour que la preuve soit produite, il faut un inconscient, et celui-ci se manifeste dans les plaisanteries des jurés – qui, de cette manière, humanisent un peu ce super cerveau. Cet inconscient se retrouve dans la le narration/récit de l’histoire personnelle du concurrent, qui parle de sa passion personnelle pour le Un dans la voix de la belle speakerine.Celle-ci accompagne chaque essai et reste le temps du test qui augmente le désir de ceux qui le suivent. Il est présent aussi dans le public ou chez ceux qui regardent l’émission à la maison. L’inconscient est donc nécessaire pour que l’émission soit possible. Ce n’est pas simplement un test de laboratoire qui évalue les capacités mentales. Même le choix du lauréat – dont les capacités sont impossibles à être évaluées étant donné qu’il s’agit d’individus très différents, ayant chacun leur propre super-spécificité – est laissé au goût des jurés et au goût du public – c’est-à-dire aux dimensions subjectives des désirs individuels et des identifications multiples. Et, en fait, le soir auquel je me réfère, ce n’est pas le « cerveau froid » d’un concurrent qui, plongé jusqu’au cou dans la glace, a été capable de mémoriser et de répéter les noms des capitales européennes et leurs températures respectives qui a gagné, mais bien le concurrent capable de reconstituer à l’aide d’un rubik cube les formes attrayantes d’une show girl présente sur la scène et qui faisait partie des jurés.

De cette émission télévisée, on peut donc déduire l’existence de deux mondes opposés : d’un côté, le cerveau « tout-en-un » et son laboratoire et de l’autre l’inconscient et le désir qui crée l’émission. D’une part, le cerveau qui gagne – présent à travers des preuves impressionnantes de ses capacités –, d’autre part, l’inconscient qui échoue et, par conséquent, prospère, car il fait lien social. D’une part l’ensemble du cerveau (un peu glaçant…), qui se répète, d’autre part le « non-tout » de l’inconscient qui, tout en incluant le trou, est lié à l’autre.

Traduction : Salvina Alba

  1. (https://www.raiplay.it/programmi/superbrainlesupermenti/)
  2. Lacan, « Télévision », Autres écrits, Seuil, Paris, 2001, p. 528.
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